Sophie Parra était présente au Bataclan lors des attentats du 13 novembre 2015. La Lyonnaise fait partie des rescapés et a suivi de près le procès dès son ouverture, il y a 10 mois. Elle revient sur les peines de ce procès hors norme.
Lyon 1ère : Comment avez-vous vécu les résultats du procès ?
Sophie Parra : Hier soir, j’étais dans la salle à Paris. Je me devais d’assister au verdict, ça me paraissait important de pouvoir être là. J’étais présente quand Jean-Louis Périès (le juge de l’affaire du 13 novembre 2015) a prononcé les peines. Cela a été un moment très particulier, très tendu et en même temps émouvant.
Qu’avez-vous ressenti en entendant le verdict « coupable » ?
C’est ce que j’ai retenu du procès. Ces gens ont participé aux attentats et ont été reconnus coupables. Après, je ne me suis pas attardée sur les peines. Mais j’ai trouvé que la cour a été très juste dans ce qu’elle a prononcé.
C’est un verdict attendu depuis 2015, est-ce que c’est aussi le moyen de passer à autre chose pour vous ?
C’est un petit coup de pied aux fesses pour nous rappeler qu’il faut laisser le 13 novembre 2015 derrière nous, même si c’est notre histoire. C’est quelque chose qu’on ne pourra jamais oublier et qu’il ne faudra surtout pas oublier. Cela fera toujours partie de moi et ce n’est pas quelque chose dont j’ai honte. C’est là, c’est moi. Mais c’est peut-être l’occasion de pouvoir se prendre par la main et se dire qu’il faut qu’on puisse avancer.
Parmi les peines, on retient surtout celle de Salah Abdeslam qui a été condamné à la perpétuité incompressible. Quel a été l’impact pour vous ?
J’ai trouvé ça étonnant car d’autres ont eu cette peine au moment du verdict. Ce sont les commanditaires présumés morts, et j’ai été assez surprise que lui écope de ça aussi puisque, comme il le dit très justement, il n’a tué personne, même s’il a le sang de 132 personnes sur les mains. Il est mis au même plan que les commanditaires (présumés morts), que ceux qui auraient vraiment mérité de mourir en prison. Après, on parle d’une personne qui pendant le procès n’a pas manifesté le moindre regret donc j’ai pas nécessairement envie de le plaindre. La cour a été dure, mais juste.
Finalement, vous n’êtes pas dans la vengeance ou dans la haine…
Au début du procès, je voulais tous les voir mourir en prison. Maintenant, je viens de passer dix mois à écouter le procès tous les jours, à passer plusieurs heures à écouter alors forcément on a un avis qui évolue au fur et à mesure. On apprend à connaître ces hommes et puis on écoute les débats, on écoute les avocats généraux, on écoute les témoins et on les écoute eux aussi.
Certains ont écopé de peines allant de 2 à 8 ans de prison, comment le vivez vous de savoir que d’ici 2030, quasiment la moitié d’entre eux seront dehors ?
2030, c’est loin. Je n’y ai pas forcément réfléchi comme ça. Ils auront fait leurs peines et je pense que s’acharner n’est pas non plus la solution. Je ne suis pas pour dire qu’ils restent tous en prison jusqu’à la fin de leur vie. Je pense qu’une peine de prison est normale et juste, mais je pense aussi que c’est l’occasion pour eux de réfléchir à ce qu’ils ont fait et d’essayer de se racheter. Quand j’apprendrai leurs sorties, je verrai comment je réagirai. Pour l’instant, 2030 c’est loin.
Et ce matin, comment avez-vous vécu votre réveil ? Comme un nouveau départ ?
Pour ne rien vous cacher, je me suis couché à 4h15 et je me suis levé à 5h donc j’ai fait une micro sieste de 45 minutes. J’ai pas vraiment eu le temps d’y réfléchir, mais je pense que demain ça sera déjà un peu plus bizarre. Pour l’instant, je suis encore un peu dans l’euphorie d’hier soir, j’ai pas vraiment eu le temps de redescendre.