Ce lundi matin, Lyon a célébré une artiste du cinéma français, à la fois comédienne et réalisatrice : Nicole Garcia ! Cette dernière est venue échanger avec le public lyonnais dans le cadre d’une Master Class animée par le journaliste Carlos Gomez au Pathé Bellecour.
Dans Le Cavaleur de Philippe de Broca, Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais, Les Uns et les Autres de Claude Lelouch, L’Honneur d’un capitaine de Pierre Schoendoerffer, Garçon ! de Claude Sautet ou encore La Petite Lili de Claude Miller, Nicole Garcia n’a cessé de collaborer avec les plus grands réalisateurs sans que cela ne lui empêche de se faire aussi un nom en tant que réalisatrice.
Thierry Frémaux a donc introduit cette rencontre au Pathé Bellecour en soulignant la popularité de Nicole Garcia, « une artiste qui n’a jamais cessé de croire en l’utopie qu’on peut être populaire en offrant des œuvres de haute qualité ».
Cette grande artiste du cinéma français a commencé une rétrospective sur son parcours avec un retour aux sources, en évoquant ses origines espagnoles, sa famille originaire d’Andalousie.
Elle a ensuite évoqué son premier souvenir de cinéma, qui remonte à une expérience religieuse dans un séminaire de catéchisme à Oran, en Algérie, ville dans laquelle elle est née et a grandi. Elle a en effet été touchée pour la première fois par le septième art face au héros de Marcellino pan y vino, qui était un petit garçon malheureux exprimant pieusement sa détresse.
Ensuite, elle s’est remémorée la cristallisation de sa vocation. Pour cela, elle a évoqué le souvenir de sa professeur de français de 4e, Monique Rivet, qui arrivait de France et qui proposait une idée de la féminité différente des autres femmes en Algérie. Nicole Garcia a avoué avoir été fascinée par cette dernière ainsi lorsqu’elle l’a complimentée après sa récitation d’un poème de Villon, la jeune collégienne est sortie de son cours en se disant qu’elle voulait devenir actrice. C’est d’ailleurs avec cette professeure qu’elle a évoqué pour la première fois son envie d’entrer au conservatoire. Elle a ainsi persisté dans sa vocation, malgré l’avis de ses parents qui envisageaient pour elle un autre avenir, de longues études d’avocate par exemple, menant à des professions plus cotées dans l’échelle sociale.
Elle quitte Oran pour la France avec ambition de devenir actrice et est admise après son bac au conservatoire à Paris, où elle passera deux ans : « quand ils ont affiché ceux qui avaient passé heureusement ce concours très difficile, j’ai revu l’image de ma prof de français de 4e, même si je ne l’avais pas vue depuis sept ans, comme si je liais les deux choses ».
Même si elle ne parle jamais réellement d’elle même dans ses films, sa vie personnelle a une grande influence dans son travail, et il semble important pour elle de combler les trous de son histoire, les manques qu’elle a ressentis, par le cinéma : « J’arrivais à l’adolescence un peu bâillonnée donc j’ai enfin réussi à m’exprimer via les textes des autres ». Par ailleurs, elle a évoqué le sentiment d’être montée sur le plateau parce qu’elle avait le sentiment d’être regardée, ce qu’elle n’avait pas en famille.
Elle est revenue sur son début de carrière aux côtés d’amants ou de maris de fiction ayant une grande différence d’âge avec elle comme Ventura, Montand, Piccoli ou encore Belmondo. Elle a avoué avoir été initialement « focus théâtre » et avoir attendu Mon Oncle d’Amérique de Resnais avant d’être réellement propulsée devant la caméra et trouver sa place au cinéma, proclamant alors en toute humilité : « Je ne pouvais pas croire que Resnais m’appelait. C’est un film que j’ai traversé en état de panique constante ».
Elle a tenu à éviter les questions sur son rôle dans Le Gendarme se marie, n’appréciant pas son petit rôle dans ce film qui témoigne des difficultés rencontrées en début de carrière : « Maintenant les gens qui veulent me faire de la peine me reparle de ce film ».
En outre, elle est revenue sur son admiration pour Alain Resnais, très impressionnant pour elle : « J’étais presque amoureuse de lui, j’étais aimantée par lui ». Elle adorait voir travailler ce grand réalisateur, avec son cadreur, elle regardait longuement avec plaisir et attention « la mise en scène de la mise en scène ». Mais elle a affirmé ne pas avoir été une muse d’Alain Resnais contrairement à Sabine Azéma. Le réalisateur aimait les acteurs qui le faisaient rire, l’amusaient : « mais moi j’étais dans un tel état que je ne pouvais pas le faire rire (…) ainsi après Mon Oncle d’Amérique, il a rencontré Sabine Azéma, qui est devenue sa muse et je n’ai plus jamais joué avec lui ». Nicole Garcia semble s’être construite par rapport à ce refus. Elle n’a pas voulu l’imiter mais elle a décidé de prendre sa place et passer derrière la caméra à 38 ans : « c’était une autre manière de regarder les choses ».
Elle a évoqué son amitié avec Philippe le Guay, avec qui elle a écrit son tout premier court-métrage, 15 août, de neuf minutes, diffusé à Cannes en 1986 : une expérience qui a fait du montage une révélation pour elle, lui permettant de « découvrir à quel point c’est vivant de redécouvrir son histoire ».
Ce court-métrage est le coup d’envoi d’une longue suite de réalisations de long-métrages : Un week-end sur deux (1990), Le Fils préféré (1994), Place Vendôme (1998), Un balcon sur la mer (2010), Un beau dimanche (2014), Mal de pierres (2016 ), Amants (2020). Toutefois, elle accorde une grande importance au fait de ne pas être actrice dans les films qu’elle réalise : « Réaliser demande beaucoup d’énergie. Être actrice c’est une autre énergie et je n’arrive pas à relier les deux, les faire se rencontrer ».
Elle a admis que les femmes dans ses œuvres prennent des risques, sont en danger, elles sont très vibrantes et que ses films présentent de manière récurrente des personnages qui ont peur d’être trahis « représentant peut-être une peur que j’ai en moi d’être trahie ». Elle a mis en évidence que les thèmes féminins sont portés par des hommes et que les thèmes masculins sont portés par des femmes : « J’ai une grande tendresse pour les hommes : ils se donnent des airs de dominateurs alors qu’au fond d’eux il y a une fragilité ».
Nicole Garcia a aussi marqué le festival de sa présence à la cérémonie d’ouverture ainsi qu’aux projections de L’Honneur d’un capitaine, dimanche à l’UGC Confluence, de Mal de pierres ce lundi, et d’Un week-end sur deux dimanche à l’Institut Lumière.
Pour finir, notons que Nicole Garcia est actuellement à l’affiche du nouveau film de Mia Hansen-Løve Un Beau matin.