Ce samedi après-midi, au TNP, Claude Lelouch est venu donner une leçon de cinéma et exprimer l’amour qu’il voue à la vie.
Le réalisateur a certes abordé les deux motifs de son invitation à la 14e édition du Festival Lumière, c’est-à-dire le dévoilement de son coffret DVD : « Claude Lelouch – 60 ans de cinéma » et la projection de son film Vivre pour vivre, sorti en 1967, mais la conversation avec le public lyonnais a surtout été l’occasion pour lui de revenir sur sa carrière et la conception qu’il se fait de son art.
Il a donc d’abord évoqué l’origine du scénario de Vivre pour vivre qui était projeté cette semaine au Pathé Bellecour, à Sainte Foy-lés-Lyon et à l’UGC Confluence. Il a exprimé sa volonté, après une dispute conjugale, de raconter, en s’inspirant de sa propre expérience, la vie d’un homme brillant dans la vie professionnelle mais lamentable dans la vie privée. Il est aussi revenu sur son expérience de tournage avec Yves Montand et Annie Girardot.
La conversation a ensuite tourné à une déclaration d’amour à la vie : « Dans mon cinéma la vie est omniprésente (…) J’aime la vie et j’ai envie de vous la faire aimer. »
Il a confié laisser une grande part d’improvisation à ses créations pour laisser la vie agir notamment en ne donnant pas le scénario complet aux acteurs pour retranscrire le fait que la vie n’est faite que de surprises : « L’émotion est plus forte que la définition d’une image ». Cette conception du cinéma a par exemple permis à Annie Girardot de remporter le césar pour Les Misérables, Claude Lelouch lui ayant demandé de jouer alors qu’elle n’était pas d’humeur à le faire à cause de problèmes personnels : « La mise en scène c’est réagir ».
Il a affirmé que depuis 60 ans la conception qu’il se fait de son art est que « le cinéma permet d’adoucir la violence de la vie ». En outre, puisque son objectif depuis le début de sa carrière est de filmer la vie, tous ses films visent à filmer l’amour qui pour lui est le sujet principal de l’humanité : « tout le mal qu’on se donne dans la vie c’est pour aimer et être aimé ».
Le réalisateur français envisage ses personnages en se disant qu’on a tous nos qualités et nos défauts et que « dans la vie il n’y a pas de super héros ni de super salaud ».
« Au cinéma je voyais enfant les mêmes gens que dans la rue mais en plus beaux et plus réussis (…) Je veux mêler fiction et réalité. Je veux filmer la réalité mais en la sublimant de fiction. »
Il est également revenu sur la naissance de l’importance toute particulière qu’il accorde à la caméra sur le plateau. En effet, le réalisateur est célèbre pour filmer lui-même tous ses films, donnant ses directives aux acteurs portant la caméra et regardant à travers elle : « c’est un troisième œil, qui nous permet de voir les choses qu’on ne voit pas à l’œil nu (…) la caméra me permet de vivre avec mes personnages. »
Ce rapport particulier à la caméra est né sur le plateau de Quand passent les cigognes (1957) de Mikhaïl Kalatozov, qui est l’un de ses films préférés, l’ayant mis en larmes à son premier visionnage. Il y a vu une caméra montant l’escalier en suivant le personnage : « c’est le choc de ma vie ce jour-là : j’ai compris que le personnage principal du film n’est pas l’acteur mais la caméra. Et donc je me suis dit : c’est cet acteur-là qu’il faut que j’apprenne à diriger avant les acteurs. »
Par ailleurs, si la caméra lui permet de filmer l’invisible, la musique lui permet de filmer l’indicible et de sublimer l’intériorité de ses personnages. En effet, Claude Lelouch a réitéré l’importance qu’il accorde à la musique dans ses films, soulignant le fait qu’il travaillait à la composition de ses musiques avant même d’en écrire le scénario. Pour lui, on a deux intelligences : la rationnelle (qui a peur de tout) et l’irrationnelle (notre instinct) et c’est la musique qui parle le plus à notre irrationnel, à notre inconscient : « c’est pourquoi, je ne conçois pas la vie sans musique et qu’elle est un personnage de mes films ».
Il a exprimé l’importance qu’il accorde au regard dans les plans de ses films et au langage non-verbal mis en évidence grâce à la musique : « Les yeux c’est la seule partie du corps qui ne sait pas mentir ».
Enfin, pour se remémorer la musique de ses films et pour montrer que l’ensemble de ses films n’en forme en réalité qu’un seul, Claude Lelouch s’est lancé dans la réalisation d’un montage des grandes scènes sans dialogue de ses 50 films avec un orchestre jouant la bande-originale correspondante. Un évènement qui va parcourir la France. Mais en attendant plus d’informations sur cela, il est possible de retrouver le coffret DVD Blu-ray réunissant l’ensemble de ses films à l’Institut Lumière, à la boutique du festival ou à la librairie du Premier film.