Étant l’un des invités d’honneur de la 13e édition du Festival Lumière, Édouard Baer a fait une escale, ce lundi 11 octobre, dans la salle mythique de la Comédie Odéon pour converser avec les lyonnais autour du cinéma.
De passage à Lyon pour présenter en avant-première son prochain film, Adieu Paris !, quatrième réalisation à son compteur, l’acteur, réalisateur, animateur radio, et depuis peu écrivain, a été source d’euphorie dans les salles obscures de Lyon et sa Métropole.
Éclats de rire et applaudissements ont rythmé sa Master class, qui s’est déroulée aux commandes de la modératrice Virginie Apiou, et qui a été introduite d’une manière quelque peu singulière.
En effet, avant de débuter cette conversation, Édouard Baer et Laurent Gerra, accompagnés à la guitare, ont poussé la chansonnette avec un titre, peu connu, de Pierre Perret : Le café du canal.
Cet autodidacte, passionné des mots, caractérisé par une éloquence unique, a commencé par aborder sa manière de concevoir le cinéma comme espoir de la rencontre.
« J’ai besoin d’admirer pour filmer les gens ».
Le réalisateur a témoigné devoir être admiratif de la personne qu’il filme. Il aime quand il voit des gens qui le bouleversent, et avoue être profondément fasciné par ceux qui arrivent à être différents sans le vouloir, par les personnalités fortes, singulières, qui vivent à leur manière. Son attention est attirée par l’excentricité, elle crée l’envie de la filmer et de la voir vivre jusqu’à continuer à vivre après le film. En donnant avec humour l’exemple de Benoît Poelvoorde qui pour lui est un « feux d’artifices permanent », épuisé de lui-même de tout ce qu’il a donné – comme les lyonnais ont pu le constater avec sa présence à l’avant-première d’Adieu Paris !.
Pour cela le réalisateur passe non seulement par les mots mais aussi par le pouvoir expressif du visage « avec une caméra proche des visages pour filmer les réactions muettes et par ce biais atteindre la pensée ».
Puisque la vie réelle connait immanquablement des zones d’ombre, le rôle du cinéaste est pour Edouard Baer de transcender le quotidien, de toujours le réinventer et le réenchanter. Et pour faciliter cette tâche qui vise à donner de la profondeur et de la grandeur aux êtres humains, il décide toujours de travailler avec des acteurs déjà singuliers dans la vie-même.
Par exemple, dans son nouveau film il fait pleinement le tour de chacun de ses personnages de leur lâcheté à leur amitié.
« Ces personnages lamentables et merveilleux, on ne sait plus si on les aime ou pas. Faudrait arriver à aimer les gens qu’on déteste plutôt que le contraire ! »
Pour rappel, le film réunit dans un huis clos un groupe d’amis qui a invité leur ami « Benoit » et qui l’a annulé. Cependant ce dernier débarque au déjeuner, en est rejeté et reste au bar à côté pendant qu’ils dînent. (Plus d’informations ici)
Certes, il s’agit d’une réunion d’homme mais les personnages féminins jouent un rôle, un soutien, non négligeable en périphérie de ce diner notamment Isabelle Nanty, personnage émouvant qui se veut justicière de la cruauté des personnages masculins.
Cette conversation a aussi été pour lui l’occasion de citer ceux qui ont inspiré son art, comme Malraux, Camus mais surtout Romain Gary, qu’il admire démesurément pour son mélange de féminité et de masculinité, pour sa manière d’accepter totalement sa part féminine. « J’aime beaucoup les héros qui sont des enfants. » Il a aussi confié son admiration pour les grandes voix du cinéma dont celle de Delphine Seyrig.
Par ailleurs, malgré ses talents d’éloquence remarquables ainsi que sa fine connaissance de la langue, le réalisateur se montre éloigné de tout snobisme.
Pour lui tout est culture. Tous les métiers la constituent mais aussi les objets , les argots, les artisans, les boulangers etc « ça nous rend de la noblesse à tous si on accepte que tout ce qu’on retient et qu’on transmet est culture » tout le monde est spécialiste de quelque chose c’est toujours intéressant de les écouter.
Une humilité qui va chez lui jusqu’à l’auto-dérision. Après avoir visionné le montage vidéo rétrospectif sur fond de musique de sa manière il a avoué satiriquement trouver que les montages du Festival Lumière permettent de donner une nouvelle puissance, de grandir les plans pris dans des « nanars » de sa carrière.
Enfin cette leçon de cinéma ne pouvait pas se faire sans aborder le monologue d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre qui l’a rendu célèbre et qui était pourtant complétement improvisé :
« Petit à petit les gens s’approprient la phrase et ça devient culte, c’est fou, ça repose sur le hasard. Je n’ai pas d’explication ! Je suis content mais c’est incompréhensible pour moi. »
Enfin le réalisateur s’est montré pendant cette conférence proche du public jusqu’à l’écoute d’une lyonnaise qui lui a demandé de travailler sur le tournage de son prochain film.
Le public a répondu à sa générosité en le rassurant par un accueil chaleureux de son prochain film Adieu Paris ! alors que ce dernier se disait :
« Terrifié par sa sortie car c’est intime, mais heureux de voir que ça a plu au public lyonnais qui a beaucoup réagit et rit, et ce même sur des scènes imprévues. »