Dimanche 13 octobre, Xavier Dolan était au Pathé Bellecour pour donner lieu à sa master class dirigée par les questions de la journaliste Virginie Apiou. Une occasion de revenir sur la conception qu’il se fait du septième art, entre échappatoire de la vie, émotions débordantes, amour, amitié et solution aux problèmes de communication humains.
Le réalisateur, qui a commencé par confier qu’il avait vu Titanic pas moins de 300 fois est d’abord revenu sur sa manière de créer, sur l’origine de ses films : « Ça peut commencer par une musique, un moment, une texture, ça commence par quelque chose d’assez précis puis ça prend une ampleur en discutant avec les collaborateurs et autres artistes ».
Il a d’ailleurs mentionné dans la suite de l’entretien l’important de ressentir quelque chose de très fort, de ressentir une véritable nécessité de créer. En effet, préoccupé de la situation actuelle du monde dans lequel on vit, il a laissé un peu de côté la création pendant un certain temps. Mais, malgré six ans sans avoir réalisé de film, il affirme que cela ne lui a pas manqué. L’explication : il refuse de réaliser sans avoir profondément besoin de partager du nouveau. Il lui tient à cœur de ne pas se répéter. Par exemple, il est conscient qu’au moment de sortir Juste la fin du monde en 2016, certains voulaient un deuxième Mommy, il admet que cela aurait été un confort mais il préfère prendre des risques.
Notons qu’il a cependant apporté au public lyonnais une bonne nouvelle en confirmant qu’il avait un projet en cours. Il s’agit d’un film amalgame de plusieurs genres, présentant notamment des aspects horrifiques et se déroulant au XIXe siècle.
En attendant, vous pouvez retrouver son dernier livre Amitié sur film, qu’il n’a pas manqué de dédicacer au Pathé et au Village Lumière. Ce livre a été publié pour livrer aux spectateurs des photographies de reportage sur son film Mommy (2014). Un livre qui met en lumière notamment le sens des décors de Xavier Dolan : « un décor qui cherche à être laid… Car pour moi ce qui est beau c’est l’attention du détail sans cesse affiné. ». A l’image du peintre qui choisit son matériel : sa palette, son pinceau etc., le cinéaste prend ses outils comme un tout. Le livre met aussi en évidence l’importance des costumes : le choix des couleurs, sens des textures, des brillances… Le réalisateur a d’ailleurs confié qu’il laissait le droit de regard au comédien sur son costume « car il s’agit de sa première réplique». Comme dans la vie, les vêtements que l’on porte en disent beaucoup sur les personnalités.
Par ailleurs, il est aussi revenu sur la deuxième dimension du langage cinématographique, qui s’inscrit en complémentarité de l’image : le son.
D’abord, le travail de la voix qui permet au comédien de devenir « autre ». D’autant plus que ses films portent essentiellement sur le manque de communication, autour de personnages qui ne trouvent pas leurs mots mais s’expriment dans les cris, la tonalité, le rythme, le volume de la voix, quand ils ne sont pas plongés dans le silence.
Ensuite, il a mentionné l’importance qu’ont pour lui les chansons de variété dans ses films. Elles marquent pour lui une certaine simplicité, une culture populaire plus accessible, devenant ainsi médiateur d’émotions, une solution pour dépasser l’ineffable, les impossibilités de communication par les mots. Néanmoins, au delà de ces morceaux, la musique est inhérente dans les films, également par les dialogues qui ont une certaine rythmique, qui deviennent chorale.
En somme, tous ces éléments sont au service de la dimension lyrique de son cinéma, qui présente toujours l’expression des émotions surdimensionnées. Pour lui, en effet, « c’est viscéral, physique de faire un film, je pourrais faire un film moins sanguin mais…je n ai jamais essayé ». Il admet que son cinéma ne fait pas l’unanimité, mais il défend l’importance pour lui de conserver ce noyau émotif dans ses films, véritable agression, violence pour la sensibilité du spectateur.
Le réalisateur de Mommy est revenu sur les grands thèmes de son cinéma. D’une part il s’est arrêté sur l’importance de l’amour et de l’amitié sous-jacente : « Les grandes histoires d’amour de ma vie sont des histoires d’amitié. C’est donc naturel que ça se décline dans mes films. » Il a cité l’exemple de Matthias et maxime (2019) qui pour lui a été un film de reconstruction et de guérison. D’autre part, il a souligné que l’échec, l’austérité, le défaitisme ne sont jamais des situations de départ ni la signature d’un film car le cinéma est une voie, un échappatoire, un écho de vie pour mieux vivre. Il veut mettre en scène des personnages résiliants, qui résistent, ont espoir pour qu’on exorcise nos échecs.
Ainsi, Xavier Dolan nous a offert une master Class emplie d’humour, d’émotion et de réflexions cinéphiles.
Si cet article vous a donné envie de revoir des films de Xavier Dolan, rendez-vous dans les salles lyonnaises dans le cadre de la programmation suivante :
Laurence Anyways : UGC Ciné Cité Internationale sa 19 20h
Mommy : UGC Confluence di 20 14h
Juste la fin du monde : Pathé Bellecour je 17 22h